Lundi 5 août
Il est 7h15 quand nous entamons notre vingt troisième journée de marche, et la seconde étape de haute montagne du parcours. Aujourd’hui nous allons à nouveau passer la barre des 3000m ! Nous commençons par un chemin tranquille pour descendre jusqu’à l’Hopsital de Benasque, point bas du parcours (1740m) et lieu d’implantation d’un charmant hôtel dont l’architecture se fond assez bien dans le paysage… ça donne envie d’y passer une nuit mais ça sera pour un prochaine fois.
Le réseau passe ici, nous faisons une pause pour envoyer quelques messages puis repartons pour gravir les 1300 mètres de dénivelé qui nous séparent du col inférieur de Literole.
Le profil de la montée est très différent de celle qui nous a mené au Col de Molières hier. Le dénivelé est équivalent, mais alors qu’il avait fallu un peu plus de 4h30 hier pour atteindre le col, ici le topo indique 7 heures . En effet, le chemin prend son temps, et la montée se fait beaucoup plus progressivement. Malgré ça, le sentier n’est pas vraiment très roulant, et même plutôt moins que celui du début de la montée vers Molières. Comme hier, la montée se fait en suivant un torrent (le barranco de Remuñe) et passe par les mêmes stades successifs : forêt de pins, puis blocs et herbes au-dessus de la limite des arbres, pour finir ensuite dans le minéral pur (autrement dit : la caillasse !)
Le vallon de Remuñe est vraiment magnifique, même si la progression le long de son torrent n’est pas toujours aisée. Au bout de quatre heures de marche, nous sommes entre 2300 et 2400m et avons donc fait à peine la moitié du dénivelé. Nous décidons de pique-niquer au bord du torrent juste avant que le sentier ne s’en éloigne définitivement, afin de prendre des forces pour la fin de la montée.
Dès que le chemin quitte le torrent, nous entrons dans le domaine du minéral. Quel que soit le type de terrain (cailloux plus ou moins gros et glissants, dalles rocheuses, blocs), la progression est difficile d’autant que la pente est désormais bien raide, et que les « faux cols » (*) sont nombreux, ce qui est également difficile pour le moral.
(*) on a l’impression d’arriver à un col, on grimpe, et arrivés à ce qui semblait être le col, on se rend compte que la montée continue .
À un peu plus de 2800m nous arrivons enfin au portal de Remuñe, premier des deux cols de la journée, où nous avons une superbe vue sur le Pic Perdiguère et les crêtes et sommets attenants, jusqu’au col inférieur de Literole que nous allons devoir franchir.
Le chemin entre le portal de Remuñe et le pied du col est normalement cairné, mais il n’en est pour autant pas évident. Nous essayons de rester à peu près à niveau mais n’avançons pas très vite. Sur notre gauche se dévoile les eaux bleues profond du lac de Literole, splendide !
À l’approche du pied du col nous distinguons plus précisément la configuration : deux étangs glaciaires en bas, et jusqu’au col une alternance de névé et de caillasse.
De loin, le contournement des lacs glaciaires par la droite semble la meilleure option, mais de près ce n’est plus si sûr : le névé sur lequel nous comptions progresser est un peu en dévers ce qui rend la marche très inconfortable, et au final nous nous retrouvons à monter une cinquantaine de mètre de dénivelé dans de la caillasse croulante, essayant tant bien que mal de ne pas faire un demi pas en arrière pour chaque pas en avant.
Une fois cette éprouvante grimpette terminée, nous pouvons constater que vu d’ici, il est évident que le contournement des lacs par la gauche constituait un itinéraire beaucoup mieux marqué et plus facile. Enfin tant pis, notre erreur aura au moins eu un avantage, comme notre montée en mode bourrin s’est faite le long d’un névé, nous avons pu refaire nos réserves d’eau qui étaient vraiment basses, et éviter de terminer la journée en souffrant de la soif. Une fois revenu sur l’itinéraire bien tracé, la progression devient, sinon facile (c’est raide !), au moins évidente, et les parties à traverser sur la neige courtes et peu pentues. Nous finissons, après un dernier effort par mettre le pied sur le col, et admirer les vues splendides de chaque côté : côté Est le lac de Literole et les étangs glaciaires, et côté Ouest le lac du Portillon, le refuge du même nom et les sommets environnants.
Pour atteindre le refuge, il faudra commencer par rejoindre un névé peu pentu (*), et le descendre jusqu’à son extrémité cent à deux cents mètres plus loin.
(*) attention, ne pas tenter de descendre juste derrière le col, le terrain est pourri, remonter par l’arête à gauche sur un terrain plus stable avant de descendre à droite pour rejoindre le névé.
Ensuite, il ne reste plus qu’à suivre les cairns pour entamer la descente finale vers le refuge (d’abord dans la caillasse, puis dans un terrain un peu plus facile). La fatigue aidant, la descente nous paraît interminable même s’il s’agit «seulement» de 500 mètres de dénivelé.
Arrivés au refuge, nous nous offrons boissons fraîches et parts de gâteau au chocolat, avant de nous installer, de dérouler notre routine habituelle (douche, lessive, compte rendu de la journée) … et d’attendre tranquillement de nous mettre les pieds sous la table pour le dîner .