Jour 2 – Bivouac Cesare Fiorio -> Vallon de Chambave

Lundi 24 juillet

A 5h du matin, mon sommeil est définitivement interrompu par le déchaînement de l’orage : pluie diluvienne, éclairs et tonnerre, je suis vraiment content d’être dans un abri en dur.

Vers 6h, l’orage semble être passé, j’attends encore une heure avant de me lever. A 7h il ne tombe plus que quelques gouttes, mais la couleur du ciel sur le Val Ferret (qui est ma destination) n’est vraiment pas engageante. Pas très motivé, je traîne pour prendre mon petit déjeuner et remballer mes affaires, pas pressé de me retrouver exposé à la fureur des éléments.

Vers 8h45, je me décide à repartir et reprends le chemin du Petit Col Ferret.

Même vue qu’hier, mais ambiance humide ….

Vue nuageuse sur le Val Ferret et le refuge Elena

Cette journée va être l’occasion de constater la vitesse impressionnante de déplacement des nuages en montagne. De retour sous le Petit Col Ferret (côté italien), je prends une photo avec une bonne visibilité ….

Sous le Petit Col Ferret

… mais 5 min plus tard, je me retrouve dans les nuages, avec une visibilité de quelques dizaines de mètres tout au plus. Et ce scénario se reproduira tout au long de la journée, alternant des périodes de visibilité quasi normale à d’autres où elle se réduit à peau de chagrin.

Depuis le petit Col Ferret, le chemin plonge vers le Sud en direction du Refuge Elena (2062 m), cinq cent mètres plus bas.

Descente vers les nuages

Vers le refuge Elena

L’air est saturé d’humidité, le sol est glissant, et les averses se succèdent, heureusement la proximité du refuge Elena offre un objectif pas trop lointain qui réconforte. Arrivé au refuge, je m’offre un complément de petit déjeuner avec une part de tarte à la myrtille, et savoure le plaisir de rester un moment au chaud et au sec.

Refuge Elena (photo internet)

Après le refuge Elena, le sentier continue à descendre, et le randonneur doit cohabiter avec les locataires des alpages.

Un chemin vachement encombré

Le sentier atteint finalement le fond du Val Ferret (1780 m), où il croise quelques éléments de civilisation (un parking, un hôtel), mais ce n’est que pour remonter de plus belle et refaire en montée le dénivelé descendu depuis le refuge Elena, pour pouvoir atteindre le refuge Walter Bonatti. Descendre pour remonter, monter pour redescendre, c’est le calvaire sisyphien du randonneur 😉.

Tout comme à la descente, à la montée le chemin doit être partagé.

Que la montagne bêle

La météo ne s’arrangeant toujours pas, c’est maintenant une pluie glaciale qui s’abat sur les randonneurs, accompagnée par moment de grêlons, qui heureusement sont relativement petits et donc pas trop douloureux. J’atteins enfin le refuge Walter Bonatti vers midi.

Refuge Bonatti (photo internet, bien entendu il faut imaginer les nuages à la place du ciel bleu et la vue sur les montagnes cachée)

Face au refuge Bonatti, vue tourmentée sur le massif du Mont Blanc

Comme le refuge Elena, le refuge Walter Bonatti est situé sur le circuit du Tour du Mont Blanc, une des randonnées la plus célèbre des Alpes, et est donc très fréquenté. Ce jour-là, il ressemble à une arche de Noé au milieu du déluge, où échouent les randonneurs désemparés. D’habitude plutôt allergique aux lieux bondés (surtout en randonnée, où les grands espaces et la solitude font partie de l’expérience), je ne boude pas mon plaisir et prend le temps de me réchauffer autour d’un plat de polenta et d’une bonne bière.

Après le repas, un randonneur me demande de prendre son groupe en photo, et en échange me propose de me rendre la pareille … pourquoi pas ?

Le randonneur n’est plus étanche …

Le temps est toujours très nuageux, mais il semble que la pluie ait décidé de faire une pause, et le ciel semble un peu moins noir (à moins que cela soit juste moi qui essaie de m’en convaincre ?). Je décide de poursuivre mon chemin en direction du Col du Bataillon d’Aoste (2880m), d’où le topo promet une vue « énormissime ». En fonction des conditions, j’aviserai sur place de mon lieu de bivouac : soit avant le col, soit au delà.

Avant d’attaquer la montée vers le col, le sentier chemine au fond d’un vallon.

Vers le col, avant la montée

Une fois encore, quelques minutes après cette photo,  les nuages me rattraperont par l’aval et annuleront toute visibilité, jusqu’à ce que je prenne un peu d’altitude pour leur échapper.

Au dessus des nuages

Le sentier grimpe ensuite plus franchement, en suivant un torrent …

Pour le col, suivez le torrent

… jusqu’au replat d’Arminaz (2505m), où la vue est magnifique, les possibilités de bivouac nombreuses et la direction évidente.

Vue depuis le replat d’Arminaz

Pour le col, suivez la flèche !

De ce que je peux voir, les nuages sont plus hauts que le col, et je décide donc de le franchir pour bivouaquer de l’autre côté. Arrivé à un nouveau replat vers 2700, le col est en vue, et on passe dans une ambiance 100% minérale. Les 100 derniers mètres de dénivelé, qui ressemblent de loin à une muraille infranchissable, sont en fait constitués d’une série de gradins plus ou moins aménagés par endroits, et l’itinéraire est parfaitement balisé. C’est raide, c’est humide, mais l’arrivée au sommet se fait sans encombres, et concernant la vue, la qualification d’énormissime utilisée dans le topo n’est pas excessive.

Une vue « énormissime »

Pour la Nième fois de la journée, je constate la rapidité incroyable de déplacement des nuages. Alors qu’à mon passage du col, ils sont au fond de la vallée, plus de 1500m plus bas, environ 20 min après, ils auront remonté toute la vallée pour m’engloutir.

Pour mon bivouac de ce soir, je vise un emplacement indiqué sur le topo vers 2400m, emplacement que je ne trouverai jamais. Je descends donc un peu plus bas dans le vallon de Chambave pour atteindre Grand Plan (2192m, deux ou trois bâtiments perdus au milieu du Vallon). Un peu en dessous, je trouve un emplacement à peu près plat où je peux poser ma tente, et me mets au lit après un repas chaud et roboratif.

Malheureusement, la nuit ne sera pas de tout repos, l’orage s’en mêlant de nouveau. Je sais que je ne cours aucun danger, étant dans un vallon sans arbres, et éloigné de tout point haut, mais je passerai malgré tout une bonne partie de la nuit à compter le nombre de secondes entre le flash de l’éclair et le grondement du tonnerre (spoiler : je ne tomberai jamais en dessous des 5 secondes ….).