Jour 4 – Lac d’Arpy -> Lac du Petit

Mercredi 26 juillet

Première étape ce matin, rejoindre le Lac de la Pierre Rouge à 2569m. Le sentier commence par monter tranquillement, c’est parfait pour une mise en jambes, puis la pente s’intensifie progressivement, pour terminer par une progression plus verticale le long d’une cascade, rendue ludique par la présence de quelques marches métalliques.

L’arrivée au lac est une nouvelle illustration du caractère incertain de la météo en montagne. Le ciel est bleu, le soleil brille, mais le froid est vif, et je sors la doudoune, le bonnet et les gants. Il me semble même voir quelques flocons, je crois rêver au départ mais je réalise vite que les flocons m’arrivent poussés par le vent depuis les nuages que je vois au loin.

Malheureusement, ces nuages se situent au niveau du col Colmet, que je vais devoir franchir. Je ne distingue ce col que ponctuellement, au gré des déplacements des nuages.

Soleil et nuages

Il est où le col (indice : à droite au dessus des névés) ?

Même s’il n’y a pas de sentier à proprement parler pour rejoindre le col, la direction à prendre est évidente, mais cela ne veut pas dire que le cheminement est simple :  on commence par une moraine, chaos de blocs dans lequel le défi est d’aller dans la bonne direction tout en restant à peu près à niveau. Contrairement à ce que le topo indique, les cairns sont peu nombreux voire totalement absents, et par conséquent la progression est difficile, fortement ralentie par la recherche du meilleur itinéraire.

Une fois la moraine passée, la pente se raidit un peu, les blocs sont plus petits mais aussi plus sombres et glissants, on sent que la neige n’a pas fondu depuis très longtemps. Même si le haut du col est libre de neige, il reste encore un névé impossible à contourner, et qui sur la fin est un peu raide. Comme il fait froid et que la neige est dure, j’y vais doucement, en tapant bien la pointe des pieds à chaque pas pour éviter la glissade (qui, vue la topographie du terrain, n’aurait pas été dangereuse, mais cela ne veut pas dire que j’aurais apprécié de refaire la montée plusieurs fois de suite 😀).

Une fois le sommet du névé atteint, le col Colmet (2836m) n’est plus qu’à quelques pas, je l’atteins enfin mais je suis dans les nuages. Quelques flocons tombent, et la vue, même quand elle se dégage un peu, n’est pas inoubliable. Au moins, cela règle la question du détour possible par le sommet du Mont Colmet 200 mètres plus haut … ça sera pour une autre fois, je décide de ne pas m’attarder et de redescendre au plus vite.

Quelle vue magnifique

Et quand elle se dégage, ça devient sompteux

Oui, nous sommes bien fin juillet

La descente commence par un sentier bien balisé de cairns, mais arrive ensuite dans le vallon de Combassa. Comme pour la montée, l’absence de chemin ne pose pas de problème d’orientation, mais la progression dans cette ancienne moraine, chaos d’énormes blocs posés sur l’herbe, est vraiment fatigante et casse pattes. Même s’il ne s’agit « que » de 300 mètres de dénivelé à descendre, l’arrivée au fond du vallon, marquée par un mignon petit lac en forme de cœur et le retour d’un vrai sentier, est un soulagement.

Le cœur du vallon de Combassa

Quatre heures se sont déjà écoulées depuis le départ, et si le plus dur est fait, il reste encore un peu moins d’une heure pour rejoindre le refuge Deffeyes, par un joli chemin à flanc offrant une belle vue sur la plaine en contrebas et le lac du Glacier.

Plan de la Lière et lac du Glacier

Après un dernier raidillon qui termine de m’achever, le refuge Deffeyes, avec sa vue magnifique sur les glaciers et la tête du Ruitor, constituera une pause bienvenue après cette longue matinée de cinq heures de marche. Contrairement aux refuges Elena et Bonatti, qui ressemblent plus à des hôtels / restaurant, le refuge Deffeyes est plus petit et rustique, un vrai refuge de montagne. J’y dégusterai un bon repas (pâtes aux champignons et tarte aux myrtilles) et y ferai une longue pause avant de repartir.

Refuge Deffeyes (photo internet, ce jour là le ciel n’était malheureusement pas aussi dégagé que sur la photo)

Autant la matinée a été rude, dans des paysages austères, autant l’après midi sera agréable, avec une festival de beaux lacs et un nouveau col qui marquera le retour en France. En quittant le refuge Deffeyes, le sentier passe devant une petite chapelle …

A dieu vat

… avant de descendre jusqu’à la rive du lac des Séracs, dominée par la tête du Ruitor (quand elle veut bien sortir des nuages).

Lac des Séracs (1/2)

Lac des Séracs (2/2)

Après une petite grimpette, le sentier redescend pour entrer dans le Vallon de la Belle Combe, qu’il va suivre jusqu’aux deux lacs situés à son extrémité. Mais sur le chemin qui longe le vallon, une situation ubuesque m’attend : je croise un groupe d’une vingtaine de randonneurs, puis un second, puis un troisième. C’est au total plus de 200 personnes que je vais croiser. Amusé au début, je suis vite agacé, d’autant que le sentier est étroit, qu’il est difficile de se croiser, et que se faufiler au milieu d’une telle foule est compliqué.

Tout le monde s’éclate, à la queue leu leu

Entendant un « we are from Chambery » au milieu des discussions en italien, j’interpelle mes compatriotes pour essayer de comprendre l’origine de ce mystère. Il m’apprendront qu’il s’agit d’une chorale, qui s’est rendue au bord des lacs au fond du vallon, pour un concert en plein air afin de profiter de l’acoustique … Cette belle histoire calme instantanément mon agacement, et après avoir croisé les derniers chanteurs, la montagne reprend son calme habituel, et je ne croiserai plus âme qui vive jusqu’à mon bivouac du soir.

Le fond du vallon est occupé par les deux lacs de Bellacomba, entre lesquels le sentier passe avant de remonter en direction du col du Tachuy.

Second lac de Bellacomba

Premier lac de Bellacomba (vue du sentier qui monte au col du Tachuy)

La montée vers le col du Tachuy (2673m) est à l’exact opposé de celle vers le col Colmet le matin même : la direction à prendre est tout sauf évidente, le col n’est pas visible avant le dernier moment, par contre le balisage est absolument parfait, la présence de cairns fait qu’on n’hésite pas une seule fois, le sentier nous promène dans un superbe décor de lacs, de roches et de névés, mais sans avoir à mettre les pieds dans la neige.

Un des lacs du Tachuy

Au niveau du col, qui marque la frontière franco italienne, une inscription me rassure : je suis protégé, il ne peut plus rien m’arriver 😂.

Personal Jesus

Je peux prendre le temps d’admirer la vue vers le côté Français, et de donner quelques nouvelles à la famille, car j’ai retrouvé le réseau mobile dont j’avais été privé depuis la veille.

Comme c’est beau la France …

Je descends ensuite jusqu’au Lac du Petit (2400m) aux alentours duquel je pose ma tente pour un bivouac idéal, à proximité immédiate d’un torrent. C’est ici que je passe la meilleure nuit de ma randonnée.

Sous le lac du Petit, un petit bivouac